Repenser notre conception de la jeunesse pour repenser le lien entre politique et citoyens

Publié le par Renaud

Par Jean-Christophe POULET, Maire de Bessancourt et Directeur de l’école de la deuxième chance en Val d’Oise.

L’arrivée de jeunes ministres dans le nouveau gouvernement Valls à des postes clefs est réjouissante, encourageante. Pour autant il reste difficile, compliqué, pour les jeunes de 18 30 ans, de s’identifier à ses figures emblématiques.

Il est de bon ton à ce sujet de décrire une jeunesse désenchantée, dépolitisée, individualiste…
Impossible pour notre société de penser « des jeunesses ». La jeunesse est un danger pour l’entreprise- pas assez d’expériences – pour l’espace public – bruyante- pour la politique – qui est ce jeune qui veut ma place ?

Quand la jeunesse active est décrite, c’est au travers de pseudo concepts caricaturaux (génération Y…) incapable de décrire une jeunesse qui subit l’inégalité et le manque de confiance de la société et qui pourtant est imaginative, dégourdie bien souvent, créative, dès lors que ces qualités peuvent s’épanouir. Dans ce contexte il n’est pas étonnant que dans une sorte de retour de boomerang nous nous retrouvions avec une jeunesse, et parmi elle les jeunes les plus discriminées, qui n’arrivent pas à se penser dans la société, à imaginer un investissement dans la politique…

La Fondation pour l’innovation publique politique a rendu publique en 2012 une étude sur les valeurs, les aspirations et l’identité des jeunes (16-29 ans) dans 25 pays du monde. Cette étude conclue pour les jeunes Français qu’ils sont« heureux et épanouis, mais sont pessimistes sur l’avenir collectif… ». La jeunesse se réfugie ainsi dans la sphère privée.

Les jeunes Français portent un regard optimiste sur leur vie. 83% sont très satisfaits de leur vie. Lorsqu’ils travaillent, 61% sont très satisfaits de leur travail (ce qui place la France en deuxième position sur 25 sur les pays sondés). La jeunesse n’a pas une vision désenchantée de son avenir contrairement aux poncifs médiatiques.

Pourtant les jeunes Français sont parmi les plus pessimistes du monde sur le plan collectif. Une courte majorité voit la mondialisation comme une opportunité (22e nation sur 25 !), mais les jeunes Français n’aiment pas leur époque, et n’ont pas confiance en leur institution. Enfin la jeunesse française est 24e sur 25 pour l’envie de militer dans un parti. Mais pour autant, l’engagement n’est pas absent, puisque près de la moitié des jeunes Français aspirent à s’engager dans le monde associatif. Ils aspirent à avoir une famille, des enfants, un travail intéressant, à défaut d’être bien rémunéré. Ils croient en l’intégration des populations d’origines étrangères.
Le désenchantement des jeunes porterait plutôt sur le politique. Ils sont heureux ou souhaitent l’être mais ne comptent pas pour cela sur les institutions ou les partis politiques.

La société porte un regard désenchanté et ne croit pas en sa jeunesse, et en miroir les jeunes portent le même jugement sur les institutions et leurs aînés. Ce n’est donc pas un désenchantement stérile. Ce n’est pas immobile ou dépressif. C’est la preuve d’une certaine lucidité. La politique passe à côté des jeunes, qui ne sont pas désenchantés car jamais vraiment enchantés par l’action politique. La politique est étrangère à eux. Et la jeunesse est étrangère à la politique.

Le désenchantement des jeunes pour la politique ne dit rien de la jeunesse. Mais en dit beaucoup de la politique. Elle dédouane la société de sa propre incurie à enchanter le citoyen. Le désenchantement des jeunes est un pseudo-concept bien commode, qui permet aux partis politiques, et notamment ceux de gauche, de se dédouaner des réponses qui iraient contre l’intérêt de leur électorat. Il s’agit d’une imposture. La relation que le politique entretient avec la jeunesse n’est qu’un symptôme visible du rapport que la politique entretient avec les habitants dans une dimension trans-générationnelle.
Il y urgence à changer le lien entre les politiques et le citoyen. Il y a urgence à politiser le rapport des enfants et des jeunes à la société, en permettant aux travers d’expériences éducatives, de comprendre qu’ils peuvent être acteurs de transformation, apprendre ce que signifie l’intérêt collectif, l’acte collectif, l’implication politique.

Le fait politique ne doit pas être confisqué par des carriéristes. Pour cela, il faut trouver le courage d’une critique profonde de l’action politique.

La politique n’est pas un métier, ne peut être une carrière. C’est un engagement, l’envie de tenir l’imaginaire collectif, l’enthousiasme d’agir ensemble.

Je ne juge pas mes collègues politiques qui vivent uniquement de la politique. Beaucoup sont dévoués à leur territoire. Je me demande simplement ce qu’induit sur le rapport à l’habitant une dépendance nourricière à la politique. Par contre je crois que le cumul des mandats est un cancer de la démocratie. Il empêche le renouvellement, l’ouverture, la diversité. Je crois également que le cumul d’un mandat dans le temps est un problème qui renforce l’effet de caste. La politique, en qualité de responsable d’un exécutif, est et doit rester un engagement temporaire. Le politique doit rompre avec l’idée qu’il est indispensable. Que nul ne peut le remplacer sauf catastrophe. Accepter ce que j’appelle l’éphémère effet maire.

Sans prise de conscience, sans société qui se réinvente, en s’appuyant sur son passé, sur ses valeurs, sur l’autorité, sans conférer aux jeunes un rôle, sans reconnaître aux habitants l’intelligence de pouvoir trouver des solutions dignes des anciens, la société deviendra aride, sans vieux ni jeunes. Sans citoyens. Une survie de consommateurs contrariés et frustrés. Des gouvernants technocrates de plus en plus rigides et dirigistes malgré un semblant de démocratie élitiste et au service de l’élite.
Refonder le rapport de l’habitant à son territoire, du politique au territoire, de l’habitant au politique est une urgence.

 

Gageons que notre nouveau mouvement, le Font Démocrate, relèvera le défi.

Publié dans Front Démocrate

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